Pension alimentaire : les réponses d’un avocat à vos questionnements (montant, revalorisation, enfant majeur…)

Temps de lecture : 14 min

Environ 30 % à 40 % des pensions alimentaires ne sont pas payées ou le sont de manière irrégulière pour diverses raisons, souvent légitimes et parfois moins. De nombreuses familles sont monoparentales (environ 1 sur 5 en France), ce qui génère de multiples cas de fixation ou de révision de pensions alimentaires pour la Justice en France.

Pour palier à cette difficulté d’engorgement des Tribunaux, depuis le 1er octobre 2020, les CAF proposent d’être des « intermédiaires » entre les parents pour tenter de recouvrer les impayés. Mais ce dispositif n’est possible que si la pension a été déjà constatée dans une décision judiciaire, convention homologuée par un Juge, convention de divorce ou de séparation de corps par exemple. Donc, que faire en l’absence de décision judiciaire ?

Comment une pension alimentaire peut-elle être fixée par les parents séparés sans un Juge ? Les critères de fixation sont-ils les même à l’amiable ou en justice ? Comment aider le parent créancier lorsqu’il survient une difficulté économique et qu’il ne peut plus payer la pension ? Faut-il continuer à payer lorsque l’enfant est devenu majeur ? Que faire quand la pension n’est plus payée ?

Aussi, en ces temps de crise sanitaire de nombreux parents sont en difficultés financières (chômage partiel, perte d’emploi, non renouvellement d’un contrat, etc.), comment peuvent-ils donc continuer à payer 100 % de la pension sans être sanctionnés ? 

Maître Sophia BINET répond à vos questions.

1- Qu’est-ce qu’une pension alimentaire ? Est-ce différent d’une « contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant » ?

L’article 371-3 du Code civil prévoit que chaque parent a l’obligation de contribuer à l’entretien et à l’éducation des enfants en fonction de ses ressources et des besoins des enfants. Lorsque les parents sont séparés ou que l’enfant est séparé de ceux-ci, cette obligation de contribution prend la forme d’une pension alimentaire versée soit, par l’un des parents à l’autre, soit à la personne à qui l’enfant a été confié.

Elle peut également être sous la forme, partiellement ou en totalité, d’une prise en charge directe de certains frais exposés au profit de l’enfant (art. 373-2-2 du Code civil). 

Elle peut même être en tout ou partie sous forme d’un droit d’usage et d’habitation, ou constituer un abandon de biens en usufruit ou encore par l’affectation à l’enfant de biens productifs de revenus (ex. : loyers d’un bien en location). 

Cette « pension alimentaire » est donc le terme générique couramment utilisé pour désigner cette obligation de contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Elle est à différencier de ce qu’on appelle la pension alimentaire au titre du devoir de secours prévu dans le cadre d’un divorce. 

2- Comment est fixé le montant de la pension alimentaire ? 

Les critères de fixation de la pension alimentaire :

Que ce soit d’un commun accord ou en cas de désaccord, le montant de la pension doit être fixé en fonction des ressources et des charges de celui qui doit la verser (le débiteur) ainsi que des besoins de celui à qui elle est due (le créancier).

Il existe un barème ou « table de référence » qui est proposée par le Ministère de la Justice. Il s’agit d’une sorte de simulateur de calcul afin de savoir combien vous pouvez verser (voir par exemple : ce simulateur ou encore celui-ci).

Le site internet de l’Agence de recouvrement des pension alimentaires propose également une évaluation qui est plus complète mais elle reste toutefois indicative. 

Le conseil de l’avocat Attention toutefois à son application mécanique ! Ce barème n’est pas toujours pertinent dans la mesure où il ne prend pas en compte l’histoire personnelle du parent débiteur (ex. : s’il consacre du temps, de l’argent au bienêtre de l’enfant, à leur réussite), et notamment aux charges qu’il a, si le parent a refait sa vie (dans ce cas, il faudra prendre en compte les ressources et charges du concubin, nouveau partenaire, nouvel époux)

Il faut aussi éviter en la matière que le versement d’une pension ne produise un enrichissement sans cause au profit du parent créancier qui serait considéré comme une sanction.

Un avocat vous aide à déterminer le montant le plus juste pour les deux parents et pour l’enfant, prenant notamment en compte les frais directs pouvant être pris en charge ou non par un des parents et faisant partie de cette pension alimentaire. 

Les cas qui se présentent :

  • Si les parents sont d’accords : ils font une requête conjointe accompagnée d’une convention parentale fixant les modalités relatives à l’exercice de l’autorité parentale (dont la pension alimentaire) et demandent au Juge aux affaires familiales du Tribunal du ressort du domicile du/des enfant(s) de l’homologuer (pour que cela devienne une décision de justice) (article 373-2-7 du Code civil) ;

Si les parents sont divorcés ou bien séparés de corps : ils peuvent se mettre d’accord en cours de procédure de divorce ou de séparation de corps dans la convention de divorce par consentement mutuel ou par des conclusions concordantes de leurs avocats. Si le divorce ou la séparation de corps a été fait, une convention parentale peut modifier ces montants dans le même processus vu ci-avant.

Une convention parentale rédigée peut aussi être remise à la CAF pour que cet organisme s’occupe d’obtenir une homologation par le Juge.

Le conseil de l’avocat Le Juge homologue la convention la plupart du temps de manière automatique, sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement.

Dans certains Tribunaux, il s’agit donc d’une formalité et les parents n’ont pas nécessairement à être présents à l’audience. 

  • Si les parents sont en désaccords : l’un ou l’autre des parents dépose une requête devant le Juge aux affaires familiales du Tribunal du ressort du domicile du/des enfant(s). Le montant de la pension alimentaire est ainsi fixé par le JAF après un débat et l’étude des documents remis par chacun des parents. 

Conseil de l’avocat : L’accompagnement par un avocat est souvent conseillé à ce stade pour pallier aux demandes adverses d’une fixation trop basse ou trop élevée de la pension, déjouer les dissimulations de ressources et aider à établir auprès du Juge un détail des charges réelles mensuelles du parent.

3- A qui cette pension est généralement versée ? Peut-elle être versée directement à l’enfant majeur ?

Le plus souvent, la pension alimentaire prend l’apparence d’une somme d’argent versé mensuellement par le parent créancier au parent débiteur. Le versement est fixé par la convention homologuée ou le juge et peut se faire par virement bancaire ou par tout autre moyen.

Cette pension alimentaire ne cesse toutefois pas automatiquement lorsque l’enfant devient majeur mais seulement jusqu’au moment où il sera indépendant financièrement.

Elle peut alors être versée directement entre les mains du majeur (voir les articles 371-2, 373-2-2 et 373-2-5 du Code civil).

Le conseil de l’avocat : Si la longueur des études peut être un sujet pour solliciter une révision de la pension alimentaire pour les enfants devenus majeurs, il faut savoir que les Tribunaux s’attachent à trouver un équilibre dans le versement de la pension, et notamment refuser une augmentation de la pension en fonction de l’âge de l’enfant aux motifs qu’il peut trouver une certaine autonomie financière s’il a l’âge (voir CA Rouen, ch. Fam. 28 avril 2016, n°15/00184, Juris-Data 2016-008699).

4- Une revalorisation de la pension alimentaire est-elle possible si je ne peux plus la payer du fait de la diminution de mes ressources ou d’un changement de situation dans ma vie privée et professionnelle ?

Le montant de la pension alimentaire peut évoluer dans le temps. Il est possible de réviser en sollicitant une diminution ou suppression du montant de votre pension alimentaire lorsque des éléments nouveauxapparaissent, notamment une modification des ressources ou des besoins du créancier/débiteur.

Quels seraient ces éléments nouveaux par exemple ?

  • Baisse de rémunération : licenciement, accident grave, handicap, etc.
  • Nouvelles charges : nouvel enfant, crédit immobilier, etc.
  • Changement de situation connue de l’autre parent (remariage, augmentation de salaire, etc.).

Et le chômage partiel ? A mon sens, il faudrait que la diminution de salaire liée à cette situation soit suffisamment significative et durable pour justifier d’une diminution ou suppression (car il faut prendre en compte le temps de la procédure judiciaire qui est longue). 

Le conseil de l’avocat : Que faire ? Agir vite lorsqu’on sait que cette situation se pérennise … ! Car contrairement au droit commun, il est impossible de solliciter un délai judiciaire de grâce pour échelonner la pension alimentaire impayée. 

  • Tenter d’agir à l’amiable en envoyant une proposition à l’autre parent de diminution ou suppression de la pension alimentaire (éventuellement en proposant d’avoir plus le/le(s) enfants) ou en payant directement certains frais.
  • A défaut d’accord, une demande de révision ou de suppression s’effectue en déposant une requête auprès du Juge aux affaires familiales du Tribunal du ressort du domicile du/des enfant(s) (voir formulaire sur le site du service public). Il faudra devra fournir la copie de plusieurs documents justificatifs du changement de situation ainsi qu’une copie de la dernière décision de justice. Une telle révision ou suppression peut être prononcée de manière rétroactive (elle jouera pour le passé).

Un avocat peut également vous accompagner dans une telle démarche. 

Sinon, à prendre avec réserve car il n’est qu’indicatif, il existe un simulateur de révision des pensions alimentaires de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) est accessible en ligne sur Service-public.fr, vous permettant de calculer le nouveau montant de la pension. Certains éléments sont à prendre en compte tels que la date de votre jugement, le type d’indice des prix à la consommation sur lequel est indexée la pension (ensemble des ménages ou ménages urbains), la date de révision de la pension, le montant de la pension alimentaire à réévaluer.

5- La pension alimentaire peut-elle être augmentée si elle n’est plus suffisante pour les besoins de le(s) enfant(s) ? »

Dans ce cas également, je préconise l’envoi préalable à l’autre parent d’une demande écrite amiable d’augmentation.

A défaut, le parent peut saisir le Juge aux affaires familiales du Tribunal du ressort du domicile du/des enfant(s) si le montant de la pension est devenu insuffisant pour subvenir à ses besoins.

6- Que faire lorsqu’une pension alimentaire est impayée ? 

Plusieurs moyens sont possibles afin de percevoir les sommes impayées.

D’abord, je préconise l’envoi d’une mise en demeure préalable rappelant les obligations.

Le parent débiteur doit être averti dans ce courrier que son refus d’honorer le paiement de la pension alimentaire l’expose à des poursuites pénales pour abandon de famille (article 227-3 du Code pénal). Ce délit est passible de 2 ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende. Il ne peut pas (toujours) se retrancher derrière d’autres dettes à payer, telles qu’un crédit à la consommation ou un crédit immobilier. 

Conseil de l’avocat : En matière de parentalité et dans l’intérêt de l’enfant, il vaut mieux, au départ, tenter un rapprochement amiable par l’envoi d’une mise en de mise en demeure (en lettre recommandée avec avis de réception de préférence sinon un mail que le parent sera sûr de recevoir) lui rappelant ses obligations. Il est impératif de rappeler la décision de justice qui a statué sur le versement de la pension alimentaire et préciser les échéances impayées.

Un avocat peut vous aider à faire une telle démarche au besoin sur son papier entête qui aura parfois plus de « poids ». 

Déposer une plainte pour abandon de famille : 

Déposer une plainte au Commissariat de police (ou gendarmerie) ou écrire au Procureur de la République. Dans ce cas, le parent redevable de la pension alimentaire ne doit pas s’être acquitté de son obligation pendant plus de 2 mois ni donné suite au courrier de mise en demeure.

Conseil de l’avocat : Cette solution n’est toujours pas la plus pertinente pour obtenir le règlement des sommes dues, mais pourrait avoir un effet dissuasif pour le parent débiteur.

Faire intervenir la CAF ou la MSA

Faire intervenir la CAF ou la MSA pour qu’ils agissent en qualité d’intermédiation financière (voir sur le site CAF ou celui de l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimenSecourtaires, Aripa).

Forcer le paiement par une saisie qui peut avoir différentes formes :

Il y a alors plusieurs possibilités impliquant toutefois que le créancier doit faire l’avance des frais qui sont répercutés ensuite sur le parent débiteur :

  • Engager une procédure de « paiement direct » : obtenir le paiement auprès d’un tiers (employeur, banque…) ayant en sa possession des sommes destinées au débiteur. Ce dispositif ne concerne seulement que les impayés de pension alimentaire à venir et de 6 mois maximum. 

Cette procédure n’est possible que si deux conditions sont remplies : (1) Si vous ne parvenez pas à vous faire verser la pension alimentaire ou si celle-ci est versée irrégulièrement ou de façon incomplète. Et (2) Si vous possédez un document, notamment une décision de justice ou une convention immédiatement exécutoire, fixant la pension alimentaire.

Vous pouvez vous mettre d’accord avec votre ex conjoint ou faire appel à un huissier de justice de son lieu de résidence afin d’engager cette procédure dès le 1er impayé ou le 1er versement partiel. 

Vous devrez alors lui fournir : L’original du jugement relatif à la pension alimentaire, Un décompte des sommes dues, Tous renseignements concernant le débiteur tels que son identité, son domicile, l’adresse de son employeur, son immatriculation à la sécurité sociale.

Le tiers, (en général l’employeur ou la banque de votre conjoint débiteur), s’il est en mesure d’y donner suite, mettra en place la procédure de paiement direct, sous peine d’amende. Cette procédure prend la forme d’un versement en 12 mensualités. Le parent débiteur peut contester cette procédure devant le juge du tribunal de son domicile mais devra continuer de payer tant que le jugement n’est pas rendu.

Le conseil de l’avocat : Attention toutefois à ne pas en abuser ! L’article R.213-8 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que celui qui a fait une demande de mauvaise foi peut être condamné à une amende civile de 3.000 € maximum, outre l’éventualité d’une condamnation à des dommages et intérêts pour abus de droit. 

  • Demander une saisie sur salaire auprès du juge : l’employeur de votre ex-conjoint débiteur affecte une partie de sa rémunération au remboursement de la pension alimentaire. Vous devez obligatoirement avoir un titre exécutoire constatant une créance liquide (montant chiffré et non contesté par le débiteur) et exigible (paiement arrivée à échéance).

La procédure est la suivante : vous devez saisir le Tribunal dont dépend le domicile du parent débiteur par voie de requête auprès du greffe. Si celui-ci réside à l’étranger ou n’a pas de domicile connu, vous devez saisir le Tribunal du lieu de son employeur. 

  • Obtenir une saisie sur compte bancaire ou saisie-vente

Concernant la saisie sur compte bancaire : Lorsque vous êtes débiteur d’une pension alimentaire, une saisie de la somme due peut être faite sur votre compte bancaire. Cette opération ne fonctionne seulement que sur les créances de sommes d’argent, créances reconnues au préalable par une décision de justice. 

Un huissier rédige l’acte de saisie et vous informe de la signification de la saisie de votre banque sous un délai de 8 jours.

Le compte bancaire est bloqué durant les 15 jours ouvrables de la signification. Il est possible de débloquer le compte bancaire avant les 15 jours ouvrables, cette situation étant validée par l’huissier de justice.

Concernant la saisie-vente :

Ce procédé permet la vente de biens du débiteur afin de rembourser le créancier. Ces biens sont saisis par l’huissier de justice et font l’objet d’une vente amiable ou le cas échéant, sont d’une vente aux enchère publique.  

Cette opération n’est possible qu’avec l’intervention d’un huissier de justice. 

  • Faire intervenir le Trésor Public : Le cas échéant, si aucune des opérations précédemment mentionnées n’a abouti, il est possible de confier le recouvrement de la pension alimentaire impayée au Trésor Public, sous réserve de deux conditions : la procédure de recouvrement initialement engagé a échoué, vous êtes en possession d’un document type décision de justice devenue exécutoire ou une convention de divorce par consentement mutuel signée par les avocats et déposée chez un notaire.

Cette procédure est gratuite pour le créancier et le débiteur sera redevable de 10% des frais du recouvrement en plus de la pension alimentaire due. 

Afin d’engager cette procédure, il est nécessaire d’envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception au procureur de la République dont dépend votre lieu de domicile.

Le délai de prescription d’une action en paiement de la pension alimentaire est de 5 ans.

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Publié par Sophia Binet

Maître Sophia BINET est avocate au Barreau de Paris depuis 2008 et exerce en droit des personnes et de la famille (divorce, liquidation de régime matrimonial, séparation, autorité parentale, majeurs protégés, etc.), droit des successions et droit immobilier pour une clientèle de particuliers, SCI, ayant des difficultés patrimoniales ou familiales. Le Cabinet offre un service dynamique et efficace, se distinguant par une expérience solide des contentieux devant les juridictions familiales et immobilières de PARIS & Région Parisienne : http://www.binet-avocats.com

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